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Aurélia Leblanc et Lucile Viaud travaillent à l’unisson en combinant leurs savoir-faire. Lorsque l’une expérimente les techniques de tissage sur des matières biosourcées rares, l’autre crée une géoverrerie en transformant et en sublimant des ressources délaissées en verres naturels. Le résultat? Des tissus d’exception innovants, transparents et légers, alliant circularité, délicatesse et poésie.

1 1 - Luxe & innovation : Lorsque le verre retrouve son caractère liquide par le tissage - Pearls Magazine

Pearls magazine : Quelques mots sur vos trajectoires respectives et ateliers?

Aurélia Leblanc: Je suis créatrice textile formée à l’Académie Royale des Beaux-Arts de Bruxelles, spécialisée dans le savoir-faire du tissage artisanal d’exception pour la Haute Couture, l’architecture & le tableau d’Art. Convaincue que l’échelle artisanale est le terrain d’innovation privilégié, j’expérimente sans cesse le mariage des fibres et des techniques, comme le mariage du crin de cheval avec le bijou, ou tisser du fil de verre. Mon parti pris est de mettre en valeur des matières rares et exceptionnelles avec des fournisseurs partenaires (fils de métal, aloé-vera, bananier…) qui ne sont pas, pour la plupart, exploitées dans l’industrie pour créer des matières surprenantes. 

Lucile Viaud explore le lien intime entre paysage et matière, et crée sa «  géoverrerie  » , s’attelant à la transformation de coproduits locaux et ressources délaissées en verres naturels. Au fil des projets menés dans différentes régions, elle met en lumière l’influence de la provenance des matières premières sur la nature des verres obtenus. Défendant l’idée que le rebut est un trésor en attente d’être sublimé, elle sensibilise à la préservation de nos ressources naturelles et de notre patrimoine par une démarche de recherche-création impliquée pour l’Art-Science. 

De l’objet à l’oeuvre, à partir de cette palette de verres s’étoffant au fil des années et travaillés artisanalement, l’Atelier Lucile Viaud propose des collections pour la maison à travers sa marque Ostraco et des pièces d’exception sur-mesure pour les professionnels et particulièrement des chefs engagés. En résidence au sein de l’Institut des Sciences Chimiques de Rennes, elle mène depuis 2017 différents travaux de recherche en collaboration avec l’équipe Verres & Céramique tant sur les compositions verrières que sur leurs applications futures. L’artiste-chercheuse diplômée de l’école Boulle est lauréate des fondations Sophie Rochas (2018 et 2019), Banque Populaire et Remy Cointreau (2020) et de différents prix tels que les Grands prix de la ville de Paris en 2018. 

Votre dernière création a été présentée aux Rendez-vous de la matière : qu’est-ce que le tissage de verre? 

Notre tissage de verre est né de la fusion de nos deux savoir-faire et expertise : tissage & geoverrerie. Les tissages de verre présentés sur le salon des Rendez-vous de la matière sont issus d’une recherche de presque quatre ans où nous avons testé plusieurs rapports de densité et de travail du motif textile pour créer une matière à la fois structurée et semi-souple. Nous rêvions de développer une matière dédiée à l’architecture et la décoration en additionnant nos forces pour dépasser les propriétés classiques de nos matières : c’est ainsi que nous parvenons à trouver transparence et reflets au tissage tout en rendant le verre léger. 

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Le verre peut-il être tissé sur n’importe quelle matière naturelle ou sur certaines en particulier? 

Le tissage offre en soi, à l’échelle artisanale, toutes les possibilités d’entrecroisement de matières possibles; c’est la force de cette échelle. Le projet est malgré tout conduit sur une envie commune qui est de mettre en valeurs des matières bio-sourcées et qui font échos aux recettes de geoverres développés par l’atelier Lucile Viaud. Par exemple, le fil d’algue ou de lin répond au verre marin Glaz tandis que le chanvre dialogue avec les recettes plus terriennes (verre de Rouergue par exemple). Nous avons aussi à cœur,dans la continuité du travail d’Aurelia Leblanc, de pouvoir inclure des matières issues du réemploi pour des développements sur mesure qui fassent sens. 

Pensez-vous commercialiser ce tissu d’exception à des marques Haute Couture?

Dans l’immédiat, le tissage de verre se réserve davantage à la pièce d’exception architecturale ou artistique, mais nous sommes tout à fait ouvertes à l’expérience de la Haute Couture! Dans cet esprit nous avons d’ailleurs eu la chance de pouvoir démarrer le développement d’une nouvelle gamme à la fondation Martell lors d’une résidence croisée (été 2021). Nous travaillons par exemple sur la création de modules en verres filés au chalumeau tissés directement dans notre étoffe. Cette matière hybride du tissage de verre est une possibilité pour nous à travailler dans le domaine architectural que nous ne pouvons pas introduire en temps normal dans nos domaines respectifs et c’est également cela qui conduit notre projet et nos motivations. 

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Qu’est-ce que le projet de tissage Confluence? 

Confluence est la première pièce que nous avons réalisée en 2020 et avec laquelle nous sommes parvenues en finale du prix Dialogue 2020. Référence à la notion de “trame verte et bleue”, Confluence introduit une réflexion sur l’importance de tisser du lien, pour notre environnement, pour nos savoir-faire. Structurer le textile par une densité variable minutieusement programmée de fils de verre et retrouver le caractère liquide du verre par le tissage, tel a été notre objectif. Si la vague est “une déformation de la surface de l’eau”, c’est ici le motif développé qui anime la surface du tissage et renvoie à la fois aux origines et aux couleurs marines du verre marin Glaz. Les “flottés” du tissage font écho à l’eau dans son mouvement, renforcé par les possibilités de plissage, pliage et manipulation de l’étoffe elle-même. Sa surface irisée de différents éclats accroche doublement la lumière. C’est d’abord la nature même de la texture, sa fluidité, qui conjuge métal et verre. C’est aussi le choix du motif, qui associe différentes densités dans son relief.De tout temps, l’humain a cherché son reflet, se regardant d’abord à la surface de l’eau, puis dans le poli de la pierre ou des métaux, enfin au travers du verre. L’oeuvre joue ainsi avec cet héritage et la fascination qu’exerce ce matériau dans son environnement, cherchant à troubler le regard, par le décalage entre une matière souple et l’impression de rigidité donnée par la brillance d’une surface en verre.

Crédit photos : Anne-Sophie Guillet

https://aurelialeblanc.com

https://atelierlucileviaud.com

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