Pour Bertrand Lacaze, le fondateur de Mangrose, la mode éthique est bien plus qu’une simple tendance. Avec une approche sereine et déterminée, il manifeste une volonté profonde de changement. Passionné par l’univers de la mode et conscient des enjeux écologiques et sociaux, il a choisi de créer une marque éthique qui allie respect de la nature et célébration de la créativité. Bertrand ne se positionne pas en tant que militant, mais il incarne avec douceur et force tranquille la transformation qu’il aspire à voir dans le monde. Dans cette interview, il partage son parcours, sa vision de la mode actuelle et les valeurs qui animent Mangrose.
Bertrand Lacaze, Fondateur de Mangrose.
Bonjour Bertrand ! Pourriez-vous vous présenter brièvement et partager votre parcours professionnel avec nous ?
Avec plaisir ! J’ai étudié le commerce international à l’European Business Programme (Groupe Kedge Bordeaux), où j’ai passé deux ans en Allemagne. Après mon diplôme, j’ai commencé dans la mode, d’abord en magasin, puis au siège à Lille, me spécialisant en Visual Merchandising. J’ai travaillé pendant six ans en tant que responsable du merchandising international chez Anne Fontaine. En 2008, je suis devenu créateur indépendant, réalisant des œuvres artisanales à partir de mode vintage sous le nom de « Couture Sur Toile », puis j’ai développé la marque Kutsuto. J’ai aussi passé quelques années à New York avant de revenir en France en 2018, où je me suis intéressé à la décoration d’intérieur, mais la mode m’a finalement rappelé.
Quelle est votre perception de l’industrie de la mode aujourd’hui ?
Je trouve que la mode est un secteur passionnant car il relie l’art, les tendances de société et les êtres humains. C’est un peu comme un écosystème dans la nature où tout est interconnecté. Cependant, ces dernières années, j’ai ressenti un certain rejet vis-à-vis de la mode. L’accélération des rythmes, où tout va plus vite et où les informations circulent en un instant, est un tourbillon. Le renouvellement incessant des collections et le poids de l’image véhiculée par les réseaux sociaux peuvent être oppressants. En merchandising, nous disons souvent que trop de choix tue le choix.
« Je ne pense pas que la profusion d’options et de produits nous rende plus heureux. Au contraire, cela semble être une illusion, et je crois que le vrai sens des choses se trouve dans un équilibre plus simple. Personnellement, je préfère une forme de stabilité. »
Qu’est-ce qui vous a motivé à lancer votre propre marque de mode éthique ?
Curieusement, Mangrose est née d’une forme de rejet de la mode : le refus de produire loin, toujours moins cher et plus vite, en exploitant une main-d’œuvre à bas salaires avec des coûts écologiques catastrophiques pour notre planète. Le renouvellement fréquent des collections et l’explosion de l’ultra fast fashion ont conduit à une surconsommation incontrôlable, destructrice pour notre environnement et notre climat. Ce constat m’a poussé à vouloir écrire mon propre chapitre. Je voulais faire ma part et proposer une marque raisonnée, éco-responsable, œuvrant pour les animaux, la nature et les hommes.
Quelle est l’origine du nom « Mangrose » ?
Le nom « Mangrose » a été évoqué pour la première fois il y a quelques années en Martinique. C’est une contraction de « Mangrove rose », qui fait écho à un phénomène nouveau dû au dérèglement climatique dans ces régions tropicales. Pendant la saison sèche, l’eau de la mangrove devient plus concentrée en sel, favorisant le développement de microalgues riches en carotène. Le spectacle qui s’ensuit est spectaculaire : l’apparition d’une Mangrove rose, la Mangrose.
Votre engagement envers la nature est évident. Comment la mode vous permet-elle de transmettre des messages de sensibilisation ? Quelles causes défendez-vous au quotidien ?
Sensibiliser par le design ou les mots est intéressant, mais cela doit être nuancé. En créant un modèle, je pense à l’esthétique et à la force du message. Un sweat écoresponsable peut être porteur de valeurs, mais je privilégie une approche positive sans tomber dans la publicité. Je défends des causes animales, environnementales et sociétales, car nous détruisons notre planète. Chaque action compte : cela nuit-il à la biodiversité ? Au quotidien, j’essaie de réduire mon impact en réfléchissant avant d’acheter, en évitant les emballages inutiles, en triant et en recyclant.
Pourriez-vous nous décrire votre processus de création des dessins ? Quelles étapes avez-vous mises en place pour cette phase ?
Mon inspiration peut surgir de multiples façons : un rêve, un dessin, une exposition, un voyage. Je note mes idées au fur et à mesure qu’elles viennent, et j’utilise plusieurs techniques pour réaliser mes dessins. L’inspiration peut découler d’un croquis griffonné dans un carnet, que je retravaille ensuite, ou je démarre directement avec un dessin digital. Je travaille au crayon papier, au feutre, avec des calques et en découpant des morceaux de papier, alliant artisanat et digital.
Parlez-nous de votre première collection. Quelles pièces y avez-vous incluses ?
Nous avons opté pour trois produits unisexes : un t-shirt, un sweat et un hoodie en coton très doux, dans une jolie gamme de couleurs neutres. Mangrose porte en son ADN la défense animale, le respect de l’environnement et la lutte contre toute forme de discrimination. Pour cette première collection, la première cause à s’être imposée a été la cause animale, abordant des thèmes tels que le braconnage et l’utilisation de la fourrure. Ces thèmes sont illustrés par des dessins d’un rhinocéros, d’un requin baleine, d’un renard arctique et d’un chimpanzé avec Jane Goodall. La deuxième cause est environnementale, traitant de la protection des mangroves, du blanchiment des coraux et de la fonte des glaces. Enfin, nous défendons l’inclusion et l’égalité à travers des modèles illustrant l’amour universel.
Quelles matières sont utilisées dans vos créations et où sont-elles produites ? Disposez-vous de certifications ?
Nous voulons proposer un produit qui ne fasse aucun mal à la nature. Tous nos modèles sont en 100 pour cent coton biologique, à l’exception de deux modèles avec un mélange de coton et de polyester recyclé. Le coton utilisé est certifié GOTS et pousse en Turquie, tandis que les modèles sont confectionnés au Portugal. Nos impressions à base d’eau sont biodégradables et sans produits chimiques. Nous allons jusqu’à la livraison, en utilisant des enveloppes en papier kraft recyclé.
Quels sont vos projets à court terme pour Mangrose ?
Mes projets pour Mangrose sont doubles. D’une part, je souhaite faire de Mangrose une marque référente d’engagement dans le secteur des marques écoresponsables. D’autre part, je veux collaborer significativement avec des associations que nous soutenons déjà, en reversant 5 euros par modèle vendu à des causes liées à la nature et à l’inclusion, notamment avec la Jane Goodall Institute pour la protection des chimpanzés, WWF pour la protection de l’environnement et de la biodiversité, Coral Gardeners pour la protection et sauvegarde des coraux dans le monde ou encore la Fondation Le Refuge en ce qui concerne l’hébergement et l’accompagnement des jeunes LGBT+ rejeté.es par leur famille…
Quelles suggestions aimeriez-vous faire à nos lecteurs ?
Il est indispensable de porter « nos lunettes vertes » à chaque décision pour ne pas nuire à la biodiversité. Le gain financier ne doit pas primer sur la protection de notre environnement. Selon WWF, près de 70 pour cent de nos populations d’animaux sauvages ont disparu en cinquante ans. Réveillons-nous et agissons ensemble pour préserver notre Terre !
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Rédaction : Bertrand Lacaze / Anne-Sophie Castro
Photos : Mangrose : Pixels / Brandon Morrison – Mannequins et modèles : Studio SAMAK / Benjamin Boujenah.
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