Eco Tempo est une entreprise innovante qui se concentre sur le recyclage et l’économie circulaire dans l’industrie HBJO (Horlogerie Bijouterie Joaillerie Orfèvrerie). Fondée en 2010 par Jean-Luc Bernerd, son but est de transformer les déchets de l’horlogerie en ressources utiles, tout en aidant les personnes en situation de handicap. Dans cette interview, Chloé Julian, Cheffe de Projet chez Eco Tempo, nous parle des débuts de l’entreprise, de ses missions et de ses projets futurs, ainsi que de l’impact positif qu’elle a sur l’industrie horlogère et la société en général.
Chloé Julian, Cheffe de Projet chez Eco Tempo
Pouvez-vous nous expliquer comment Eco Tempo a été fondée et quel a été le moteur de cette initiative ?
Eco Tempo a été fondé en 2010 par Jean-Luc Bernerd, Président de la Manufacture Générale Horlogère (MGH). Cette initiative est née d’un constat alarmant : il n’existait aucune filière de recyclage structurée pour les montres et bijoux usagés, en particulier les montres à quartz classées comme Déchets d’Équipements Électriques et Électroniques (D3E).
« Face aux enjeux environnementaux et sociaux, nous avons voulu apporter une solution alliant recyclage, économie circulaire et insertion professionnelle. Notre objectif est de limiter le gaspillage des ressources en réutilisant et recyclant un maximum de composants, tout en créant des emplois pour des personnes en situation de handicap. »
Quelle est la mission principale d’Eco Tempo et comment celle-ci a-t-elle évolué depuis sa création en 2010 ?
La mission d’Eco Tempo repose sur trois piliers : environnemental, économique et social. Environnemental, il s’agit de collecter, trier et recycler les montres et bijoux usagés afin de limiter l’extraction de nouvelles ressources. Économique, l’objectif est de structurer une filière de réemploi et de recyclage horloger, intégrant toute la chaîne de valeur incluant fabricants, distributeurs et réparateurs.
Socialement, Eco Tempo vise à favoriser l’emploi inclusif en impliquant des travailleurs en situation de handicap dans le processus de démantèlement. Depuis sa création, Eco Tempo a renforcé son réseau de partenaires, professionnalisé ses processus et élargi son champ d’action à la sensibilisation des acteurs de l’horlogerie.
Quelles sont les valeurs fondamentales qui guident les activités d’Eco Tempo ?
Eco Tempo repose sur trois valeurs fondamentales : l’engagement écologique, qui consiste à limiter l’impact environnemental de l’horlogerie en favorisant le recyclage et le réemploi; la solidarité par la création d’emplois pour des personnes en situation de handicap en leur offrant une formation et un accompagnement adaptés, et enfin l’innovation durable qui implique une exploration constante de nouvelles solutions pour intégrer l’économie circulaire dans l’horlogerie.
Quels types de déchets horlogers et de bijoux collectez-vous et comment le processus de recyclage fonctionne-t-il ?
Nous collectons tous types de montres et bijoux. Le processus de recyclage comprend plusieurs étapes :
La collecte se fait auprès des particuliers et des professionnels. Les particuliers peuvent déposer leurs articles dans nos points de collecte partout en France. Quant aux professionnels, tels que les bijoutiers et horlogers, ils peuvent nous faire parvenir leurs invendus, produits issus du SAV, pièces détachées ou tout autre déchet horloger.
Une fois reçus dans nos ateliers, les articles sont triés par catégorie, comme les montres à quartz, les bijoux fantaisie et les composants électroniques. Chaque pièce est démantelée avec soin par nos opérateurs en situation de handicap, qui retirent les batteries et séparent les composants pour en faciliter le recyclage.
Après le tri, les composants sont orientés vers différentes filières de recyclage selon leur composition. Les métaux en mauvais état sont envoyés en affinerie pour être refondus. Les pièces en bon état peuvent être réintégrées dans un processus de réparation ou d’upcycling, permettant ainsi la création de nouvelles montres ou bijoux.
Pouvez-vous partager des chiffres sur l’impact environnemental de vos activités, notamment en termes de matériaux recyclés et de réduction des déchets ?
Depuis 2010, nous avons collecté un total de 56 tonnes de montres et bijoux. Environ 95 pour cent des matériaux d’une montre peuvent être recyclés ou revalorisés. Actuellement, 12 tonnes ont déjà été triées et sont prêtes à être réutilisées. En 2024, un seul de nos adhérents a collecté 220 kg de montres et bijoux, ce qui témoigne de l’engagement croissant du secteur. De plus, 50 professionnels HBJO sont engagés dans cette démarche.
Comment Eco Tempo contribue-t-il à l’économie circulaire et quelles sont les étapes clés du cycle de vie des montres et bijoux que vous traitez ?
Eco Tempo structure une filière de recyclage et de réemploi des montres et bijoux. Nous intervenons à plusieurs niveaux : la collecte et le tri des montres usagées pour éviter leur enfouissement ou incinération, le réemploi des composants pour prolonger la durée de vie des pièces fonctionnelles, le recyclage des matières premières afin de réduire l’extraction de nouvelles ressources, ainsi que la sensibilisation des acteurs HBJO pour les inciter à intégrer des matériaux recyclés et adopter une approche plus durable..
Nous allons plus loin en créant une boucle vertueuse avec eHo, notre marque de montres upcyclées. Grâce à un tri et à un démontage minutieux, nous récupérons des composants en parfait état, que nous réintégrons dans une production horlogère responsable. Cela permet de transformer les déchets en ressources tout en intégrant une démarche sociale.
Vous effectuez le démantèlement par du personnel en situation de handicap. Comment cette initiative a-t-elle été mise en place et quel est son impact sur ces employés ?
Nous avons créé un atelier de tri et de démantèlement à Lectoure pour former des personnes en situation de handicap aux techniques de tri et de démontage horloger. L’objectif est d’offrir un emploi stable et qualifiant tout en développant des compétences techniques transférables et en favorisant l’inclusion sociale dans une industrie encore peu engagée sur cette question. Actuellement, trois personnes sont employées à plein temps et bénéficient d’un accompagnement quotidien.
Comment Eco Tempo collabore-t-il avec d’autres organisations pour promouvoir l’inclusion et l’employabilité des personnes en situation de handicap ?
Nous travaillons en partenariat avec des structures spécialisées dans l’insertion sociale, comme des associations dédiées à l’emploi des personnes en situation de handicap. Nous collaborons également avec des écoles horlogères pour sensibiliser les futurs professionnels aux enjeux de l’économie circulaire et de l’inclusion.
Comment Eco Tempo collabore-t-il avec les acteurs de l’horlogerie et de la bijouterie pour améliorer la collecte et le recyclage ?
Nous accompagnons les marques, distributeurs et détaillants HBJO en leur proposant un service clé en main pour la collecte de leurs stocks invendus et produits SAV une mise en conformité avec les obligations REP (D3E) ainsi que des outils de communication pour valoriser leur engagement RSE auprès des clients
Aujourd’hui, plus de 500 professionnels sont engagés avec nous dans cette démarche. Ils bénéficient non seulement d’une solution de collecte et de recyclage, mais aussi de la possibilité de réintégrer des pièces revalorisées dans leur activité grâce à eHo, ce qui renforce leur démarche RSE et leur attractivité auprès des consommateurs soucieux de l’environnement.
Quels sont vos objectifs pour les prochaines années notamment en ce qui concerne le développement de nouveaux emplois pour des personnes en situation de handicap ?
Nos objectifs d’ici 2030 incluent doubler le nombre de travailleurs en insertion dans nos ateliers atteindre 80 pour cent de valorisation des montres collectées intégrer un maximum de composants revalorisés dans la production horlogère.
Y a-t-il des projets ou des innovations à venir que vous aimeriez partager avec nous ?
Oui nous travaillons sur plusieurs projets, notamment l’extension du concept Eco Tempo à d’autres produits horlogers. Nous travaillons aussi sur le développement d’un label RSE pour garantir la traçabilité et la qualité des composants réemployés. Enfin, sur la mise en place d’un système de certification des pièces revalorisées pour rassurer les fabricants et renforcer la filière du réemploi.
Un projet phare est le développement et l’expansion d’eHo. Nous souhaitons structurer un écosystème où les composants revalorisés sont systématiquement réintroduits dans la fabrication de nouvelles montres, en collaborant avec des marques horlogères pour proposer des éditions spéciales basées sur le réemploi.
Comment les personnes intéressées peuvent-elles contribuer à vos efforts, que ce soit en tant que citoyens ou professionnels ?
En tant que particulier, elles peuvent déposer leurs montres et bijoux usagés dans un de nos points de collecte. En tant que professionnel, elles peuvent adhérer à Eco Tempo et intégrer le recyclage et le réemploi dans leur stratégie RSE. En tant que partenaire, elles peuvent soutenir notre développement en collaborant sur des projets d’innovation circulaire.
Y a-t-il un message final que vous souhaitez transmettre à nos lecteurs concernant l’importance du recyclage et de l’économie circulaire ?
Avec Eco Tempo et eHo, nous prouvons que l’horlogerie peut être plus responsable, circulaire et solidaire. Recycler ne suffit pas ; il est essentiel de donner une nouvelle vie aux matériaux et de valoriser le travail des personnes impliquées dans ce processus. eHo est une preuve tangible qu’un modèle durable est possible et que chaque montre collectée peut avoir une seconde vie. Nous invitons tous les acteurs de l’HBJO et les particuliers à nous rejoindre dans cette transition vers une horlogerie plus vertueuse !
Photos : Eco Tempo
Rédaction : Chloé Julian / Anne-Sophie Castro
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