Maja Halilović est biodesigner. Elle fait partie de cette nouvelle génération qui souhaite participer à l’élaboration d’un monde meilleur. Originaire de Sarajevo, en Bosnie-Herzégovine, elle est titulaire d’un diplôme en conception de produits de l’Académie des Beaux-Arts de Sarajevo. Elle a également étudié l’écologie, la chimie et divers principes scientifiques qui l’ont mise sur la route de la recherche de biomatériaux au service de différentes industries comme la mode.
Comment êtes-vous devenue biodesigner ?
Devenir biodesigner a été pour moi une évolution naturelle à ma formation initiale. J’ai découvert le travail de Suzanne Lee et son utilisation innovante de la cellulose bactérienne, connue sous le nom de SCOBY. Intriguée par le potentiel des biomatériaux, je me suis lancée dans des recherches approfondies dans ce domaine et du biodesign. Au fur et à mesure que j’approfondissais mes recherches, je prenais conscience des défis environnementaux urgents posés par des industries telles que le textile et la mode.
Mon premier grand projet a consisté à explorer le scoby et ses applications. J’ai consacré sept ans à mener diverses expériences et à affiner le processus. À l’époque, il y avait peu d’informations disponibles en dehors des travaux de Suzanne Lee, ce qui m’a incité à innover. Depuis, je repousse constamment les limites de ce qui peut être réalisé avec les biomatériaux. Ma formation en chimie et en biologie m’a été d’une aide précieuse pour naviguer dans ce monde scientifique.
Quelle est votre relation avec le café ?
Le café et moi avons une relation assez spéciale je dirais ! Je suis moi-même une grande buveuse de café !
Vous me trouverez souvent une tasse à la main, dégustant ce délicieux arôme… Mais au-delà de mon attachement personnel, le café est profondément ancré dans notre culture. En Bosnie-Herzégovine, nous considérons le café non seulement comme une boisson, mais aussi comme une pierre angulaire de la vie sociale. C’est un début de conversation, un symbole d’hospitalité et quelque chose que nous savourons vraiment. Ma fascination pour le café ne s’arrête pas là. J’ai passé neuf mois de recherches approfondies sur le café – son potentiel en tant que biomatériau, son rôle dans la production de biogaz, et même son potentiel en tant que source d’énergie.
Cette exploration a donné lieu à des découvertes passionnantes, et j’ai eu l’honneur de recevoir le prix Balkan Green Ideas Award en 2022 pour ma contribution à l’innovation durable liée au café. Alors oui, le café tient une place particulière dans mon cœur, à la fois comme boisson réconfortante et une source de créativité et d’exploration sans fin.
Comment avez-vous commencé à cultiver les bactéries SCOBY et comment les utilisez-vous dans le textile ?
Mon parcours dans la culture des bactéries SCOBY (Symbiotic de bactéries et de levures) a commencé comme une expérience dans ma quête de biomatériaux durables.
J’ai été captivée par le potentiel de ces micro-organismes pour créer des matériaux polyvalents et respectueux de l’environnement. Le processus de culture des SCOBY consiste à faire fermenter du thé avec du sucre, ce qui permet à la cellulose bactérienne de former une couche épaisse.
Pour ce qui est de son application dans l’habillement, je me suis penchée sur un concept unique qui fusionne la biotechnologie et le design. J’utilise le SCOBY pour créer un type de matériau biodégradable semblable au cuir biodégradable. Ce matériau possède une gamme remarquable de propriétés, allant de la flexibilité et de la durabilité à une texture unique, souple et durable. J’ai utilisé ce matériau pour concevoir des vêtements qui sont à la fois à la mode et respectueux de l’environnement. Ma vision est de montrer au monde qu’il est possible d’innover sans nuire à l’environnement, et SCOBY est un témoignage vivant de cette conviction. D’ailleurs, je publierai bientôt mes recherches, dans lesquelles j’ai exploré les subtilités des applications potentielles du SCOBY.
À l’heure actuelle, je suis dans un projet IA:BJORK:SCOBY, dans lequel j’utilise la technologie de l’IA pour concevoir une robe en SCOBY pour la chanteuse Bjork. La robe est déjà apparue dans des défilés de mode et a attiré l’attention des Green W+ Awards en Allemagne. De plus, ce travail a été présenté numériquement au Musée d’art contemporain de Bosnie-et-Herzégovine.
Qu’avez-vous découvert récemment ?
Je me suis penchée sur le potentiel remarquable de la coquille d’œuf en tant que biomatériau. Cette exploration m’a permis de découvrir des applications innovantes, notamment leur utilisation dans la création de produits durables tels que mes “Biocandles”. Aussi, mon travail sur le biomatériau de la coquille d’œuf a été reconnu et a reçu un prix prestigieux en Corée du Sud.
Cette réalisation a renforcé mon engagement à repousser les limites du biodesign et à trouver de nouvelles solutions ingénieuses à partir de matériaux naturels.
En ce qui concerne les vêtements et la mode, avez-vous déjà collaboré avec des marques ?
Bien que je n’aie pas encore collaboré directement avec des marques, je pense que le biodesign offre une occasion unique d’améliorer leurs efforts en développement durable et de favoriser une connexion plus profonde avec la nature.
Mes biomatériaux innovants, dérivés de déchets organiques comme le marc de café et la coquille d’œuf, peuvent être utilisés pour créer des textiles écologiques et biodégradables. En intégrant ces matériaux dans leurs processus de production,
« Mes créations incarnent un message fort, celui de l’harmonisation des créations humaines avec le monde naturel. »
Maja Halilović
Quels sont vos projets ?
À l’avenir, je souhaite continuer à repousser les limites du biodesign et de l’innovation. J’ai prévu une série de projets qui visent à approfondir le potentiel des biomatériaux, en explorant leurs applications dans diverses industries. L’un de mes principaux objectifs est d’établir des collaborations avec des maisons de mode et de design renommées, où je pourrais introduire mes biomatériaux durables. Je prévois également de publier les résultats de mes recherches, de partager les connaissances que j’ai acquises et de contribuer au domaine plus large de la biodynamique. Aussi, j’envisage d’étendre ma présence à l’échelle internationale par le biais d’expositions, d’ateliers, de séminaires et de conférences.
Photos : Maja Halilovic
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