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S’il existe un des plus beaux paradis sur Terre, c’est bien le desert d’Atacama. Situé au nord du Chili, à la frontière de la Bolivie et du Pérou, cette région est l’une des plus arides au monde. Sa beauté est époustouflante. On se croirait sur une autre planète car il n’existe rien de si grandiose que cet espace encore sauvage… Mais jusqu’à quand?

Traverser la cordillère de sel et le tropique du Capricorne, sentir la chaleur des geysers de El Tatio, découvrir les hypnotiques Vallées de Mars et de la Lune et s’enfouir dans un profond silence tout en observant, la nuit, un ciel comblé de milliers d’étoiles… Il est donc inévitable de ressentir une telle injustice, un tel saccage de la beauté,  puisque nous apprenons récemment qu’une partie de ce merveilleux désert a été transformé en cimetière de déchets textiles. À qui la faute? Evidemment à ceux qui produisent trop, mais aussi à ceux qui consomment trop.

IMG 2729 - “Au Chili, des tonnes de vêtements sont illégalement jetés dans le désert” (témoignage) - Pearls Magazine

Nous avons recueilli le témoignage d’Alejandra Cuevas, chilienne et fondatrice de “Clóset Sustentable”, une plateforme éducative sur la mode éthique et durable, pour un état des lieux.

D’où venez-vous et quel a été votre parcours professionnel?

Je suis chilienne, née dans le sud du pays et aujourd’hui installée dans la capitale, Santiago. Après avoir étudié le design graphique, j’ai choisi de développer ma carrière dans le domaine de la mode, d’abord en tant que productrice de mode pour des magazines puis en tant que créatrice de mode retail, un métier que j’ai exercé pendant plus de 15 ans. Cette expérience m’a permis de me spécialiser dans la production textile, le développement et la création de collections ainsi que l’étude et l’analyse des tendances. Entre 2014 et 2016, j’ai fait partie de la création du département design d’une entreprise de retail chilienne à Hong Kong, où, en plus de continuer à me spécialiser dans les processus de production textile, j’ai commencé mes études de durabilité, tournant tous mes efforts vers la recherche sur les processus de mode durables.

alejandra - “Au Chili, des tonnes de vêtements sont illégalement jetés dans le désert” (témoignage) - Pearls Magazine
Alejandra Cuevas, fondatrice de Clóset Sustentable

Comment est né Clóset Sustentable?

Mon compte instagram @closetsustentable est né en 2016 juste au moment où je suis retournée vivre au Chili après mes deux ans à Hong Kong. J’ai ressenti le besoin de partager tout ce que j’apprenais sur les problèmes que la production textile entraîne et, surtout, je voulais fournir des informations et des données qui aideraient les gens à changer progressivement leurs habitudes de consommation de vêtements pour migrer vers une consommation plus responsable et retrouver la relation profonde que nous devrions avoir avec nos vêtements : oublier le concept de vêtements jetables.

Pourquoi les déchets textiles ont-ils été jetés dans le désert d’Atacama? 

Malheureusement le Chili concentre son activité économique au centre et les régions, notamment celles du nord (où se situe le désert d’Atacama) ont historiquement été laissées de côté. Curieusement, puisque notre désert est le plus sec du monde, beaucoup pensent qu’il n’y a pas de vie dedans et cela me donne l’impression que pour la même raison il a été utilisé comme décharge. La première fois que j’ai entendu parler des problèmes de déchets de mode dans le désert, c’était en 2017 et à cette époque, il y avait déjà 12 000 tonnes de vêtements jetés dans le désert, aujourd’hui ce nombre s’élève à près de 40 000 tonnes selon les derniers rapports. Mon pays est le principal importateur de vêtements usagés en Amérique latine : quelque 59 000 tonnes par an entrent dans le pays par la zone franche du port d’Iquique, une ville du nord du Chili. Ce qui n’est pas vendu à partir de ces tonnes de vêtements ne peut plus être dédouané, ces déchets sont donc illégalement jetés dans le désert.

Aussi, ce problème reflète un problème bien plus important : la consommation excessive de vêtements dans le monde, en particulier les vêtements de fast fashion ou ultra fast fashion, conçus pour être portés quelques fois puis rapidement jetés. Ces vêtements, généralement fabriqués avec des matières synthétiques et de qualité douteuse, peuvent rester des centaines d’années à polluer notre désert.

Comment décririez-vous la mode au Chili aujourd’hui? Qu’observez-vous?

Notre industrie de la mode locale est actuellement assez petite, malgré le fait qu’il y a des décennies, nous avions une industrie textile et manufacturière florissante, qui a fini par mourir à l’époque de la dictature militaire sous le régime de Pinochet. L’importation de vêtements en provenance d’Asie a porté un coup sévère à l’industrie locale.

Aujourd’hui, malgré le fait que plus de 90 % des vêtements que nous consommons au Chili proviennent d’industries étrangères, il existe un mouvement de mode naissant et intéressant axé sur la durabilité et l’upcycling : dans un pays avec peu d’accès aux matières textiles, la réutilisation ouvre des opportunités et stimule la créativité.

Quel est votre rôle avec Clóset Sustentable?

À travers ma plateforme je diffuse des informations sur la mode éthique et durable. J’anime également des ateliers, je donne des cours à la Brown School de design durable et circulaire et je conseille également les marques sur leurs chemins vers une production textile plus responsable.

Quelles nouveautés sont apparues au Chili en termes de mode éthique et durable? 

La chose la plus remarquable pour moi en ce moment est le travail du LABVA (@somoslabva), un laboratoire de biomatériaux et de biofabrication situé dans le sud du Chili. Parmi ses travaux figure le développement d’un textile à partir du maqui, un fruit indigène de la région.

À noter également Patagon Fiber (@patagonfiber) qui développe un biotextile à partir des déchets de l’industrie du blé.

Enfin, existe-t’il des matières naturelles au Chili pour la confection de vêtements?

La principale matière naturelle produite au Chili est la laine. D’autres fibres naturelles comme le coton ne sont pas cultivées au Chili, nous devons donc travailler avec des fibres importées.

Crédit photos : Pearls magazine / photos de voyage.

https://closetsustentable.com

 

 


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