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Écrit par Juhi Sharma, fondatrice de Vamika – créatrice et innovatrice travaillant à préserver les métiers en voie de disparition par le biais de collaborations communautaires.

Dans les terres arides et dorées du Rajasthan, où le vent transporte des histoires plutôt que du silence, je me suis sentie attirée par une communauté que le monde avait presque oubliée — les Kalbelia. Connus autrefois comme des charmeurs de serpents, ils sont danseurs, musiciens et femmes dotées d’une habileté extraordinaire. Leurs traditions vivent dans le rythme de leurs pas, le mouvement de leurs mains et les histoires transmises de génération en génération.

Pendant des décennies, la communauté Kalbelia a vécu en marge de la société. Elle n’avait pas de droits sur la terre, était exclue de l’éducation formelle et se voyait refuser l’accès à des moyens de subsistance stables. Les femmes cousaient des quiltings (tissus matelassés) avec de vieux tissus, non pas pour vendre, mais pour marquer les étapes de la vie : mariages, naissances, souvenirs familiaux. Ces quiltings portaient leur identité, leur histoire et leur espoir.

 

Mais le monde extérieur ne les remarquait pas. Leur art restait invisible. Leur voix, inaudible.

 

 

IMG 20250703 WA0008 1 - Inde : La révolution silencieuse de la communauté Kalbelia - Pearls Magazine

Juhi Sharma, collaboratrice et fondatrice de Vamika

Progressivement, ce silence a commencé à se briser

 

Un groupe de femmes Kalbelia a commencé à partager leurs créations avec le monde,  pas seulement comme de belles pièces, mais comme des symboles de qui elles sont. Leur artisanat est devenu leur voix.

Avec le soutien de Vamika, l’initiative axée sur l’artisanat que j’ai fondée pour mettre en avant la connaissance et la dignité de la communauté, ces femmes ont franchi l’espace de leurs villages pour accéder à des lieux autrefois inaccessibles. Leur travail a été présenté lors de la Biennale d’Art, d’Architecture et de Design du Red Fort en Inde, inaugurée par le Premier Ministre indien, et a été mis en avant dans des publications internationales. Certaines d’entre elles ont animé des ateliers pour des étudiants en design et des passionnés d’artisanat. Leur prochaine collection voyage à Santa Fe, aux États-Unis, pour l’un des marchés d’art populaire les plus respectés au monde. Pour beaucoup, ce sont des premières : leur premier départ du village, leur première mise en lumière. Leur valeur est enfin reconnue.

Ce parcours n’est pas seulement une démarche d’autonomisation pour les femmes Kalbelia. Il élève toute la communauté. Avec des opportunités de subsistance stables et respectueuses, les femmes deviennent des actrices et des leaders. Les enfants, notamment les filles, retournent à l’école. Les hommes participent avec fierté. L’identité n’est plus un héritage silencieux. Elle devient une force partagée.

Les femmes, qui ne cousaient autrefois qu’en petits cercles intimes, dirigent désormais des ateliers. Elles enseignent aux autres. Elles montrent l’exemple. Leur moyen de subsistance leur a apporté beaucoup de fierté, un but réel et de nouvelles possibilités.

Et à travers tout cela, elles n’ont jamais perdu leurs racines. Leurs quiltings sont fabriqués avec des tissus et de la laine locale, sans gaspillage. Chaque motif s’inspire de la nature : fleurs, animaux et motifs issus de leur environnement. Elles ont pratiqué un mode de vie durable depuis des générations, non pas parce que c’était tendance, mais parce que c’était leur façon de vivre.

 

Elles ne suivent pas les tendances. Elles suivent la vérité.

 

IMG 20250703 WA0013 - Inde : La révolution silencieuse de la communauté Kalbelia - Pearls Magazine

Les femmes Kalbelia ne cherchent pas à être secourues, elles sont prêtes à être reconnues

 

Leur histoire me rappelle que l’avenir de la mode ne se résume pas à ce que nous portons, mais à comment et pourquoi nous créons. Il s’agit d’honorer celles qui ont maintenu ces traditions en vie, même sans reconnaissance.

 

En tant que créatrice, je ne suis pas venue pour diriger. Je suis venue pour écouter. Pour apprendre. Et pour marcher à leurs côtés.

 

 

Car les créations les plus puissantes ne se réalisent pas dans les studios. Elles se cousent dans les maisons, se chantent dans des histoires, et se transmettent de génération en génération, tout comme l’ont fait, silencieusement et avec beauté, les femmes Kalbelia depuis des années.

Et maintenant, le monde écoute enfin.

 

Traduit et adapté par Anne-Sophie Castro

Photos: Zishan

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