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Lena Winterinck est hollandaise et travaille dans son studio de design à Amsterdam. Pour elle, la recherche artistique et l’expérimentation sur des matériaux tels que le textile, donnant du sens à notre existence, sont primordiales. Diplômée de l’Académie du design d’Eindhoven en 2019, elle n’a en fait jamais étudié le textile mais l’a apprivoisé comme un outil versatile permettant de véhiculer des messages.

Ce que j’aime dans le textile c’est qu’il est présent partout, à l’intérieur comme à l’extérieur. Il est toujours autour de nous“, explique Lena. C’est pourquoi elle a choisi de s’exprimer à travers ce matériau car il rend plus facile la communication. “Par contre, la mode est un terme difficile à comprendre de nos jours… “

Pourquoi?

Ce que je trouve beau, c’est le lien que nous avons avec les différents matériaux que nous portons et la manière dont nous nous exprimons. La mode nous protège des températures, mais elle nous donne aussi une identité. L’autre connotation est celle de l’industrie de la mode, qu’il faut absolument consommer.

Qu’est-ce que vous changeriez?

Selon moi, il y a une reproduction de nombreux matériaux déjà existants. La mode aujourd’hui essaye de convaincre les gens de constamment réinventer leur identité au grès des styles. Je pense qu’au lieu de ça, nous devons prendre conscience du type de matériaux que nous portons. Varier les styles est une façon de penser intéressante, mais cela induit quotidiennement de nouveaux besoins et force inévitablement à la consommation.

Comment travaillez-vous la mode ?

Je ne me concentre pas nécessairement sur la mode. Par contre mes expérimentations sur le textile ont bien sûr un rapport avec la mode et, généralement, nous associons beaucoup le textile à la mode. J’utilise le design et différents outils pour voir quelles sont les différentes perspectives, mais aussi pour donner aux gens la liberté de s’associer à ces perspectives.

En général, je remarque quelque chose autour de moi. J’observe mes sensations et j’essaie de comprendre à quoi ça fait penser et si les gens ressentent la même chose. À partir de là, j’essaie de relier les gens au matériau. Et ce matériau, c’est le textile. Je veux voir si je peux utiliser le textile pour permettre à d’autres personnes de comprendre ce que j’ai découvert.

Vos projets sont très originaux : de quoi s’agit-il ?

Les matériaux que j’utilise sont principalement conçus par moi-même.

Le projet « Made In » est né d’une question posée par le Musée National des Cultures du Monde (exposition au Tropenmuseum Amsterdam). Les responsables du projet ont demandé à quatre designers de créer une nouvelle œuvre à partir d’objets de leur collection sur le thème du plastique et de la relation qu’ils entretiennent avec.

Les objets étaient fabriqués à partir de différents matériaux provenant de différents endroits du monde et de sources locales. Ils étaient tous fonctionnels. Fabriqués et utilisés localement. Pendant ma phase de création, je me suis demandée : “Quel est le matériau local ici, en Hollande?  Est-ce que j’en connais au moins un? »

L’un des articles présentés était un chapeau fabriqué à partir de plastique recyclé. Un morceau de plastique trouvé au Kenya. Je m’attendais à une fibre naturelle africaine locale ou autre, mais j’ai vite compris qu’avec la mondialisation, tout peut être considéré comme local. Et pourquoi pas du plastique ?

J’ai également réalisé un autre projet avec des étiquettes indiquant la composition des vêtements pour faire une chemise. La chemise en elle-même est faite d’un patchwork d’étiquettes ! Et celles-ci indiquent le lieu de fabrication de chaque vêtement, le fameux “Made in”… Mais évidemment, comme on le sait déjà, cela ne veut pas dire que les matériaux proviennent du pays indiqué par le Made in, ni que toutes les étapes de fabrication ont été réalisées dans ce pays…. Ce travail m’a permis de mettre en lumière la transparence de nos vêtements. Aider les gens à prendre conscience des étiquettes et de la composition de ce qu’ils achètent.

« Le plus important quand on porte un vêtement, c’est de savoir quelle est l’histoire qui se cache derrière. »

Lena Winterink

J’ai également expérimenté la teinture végétale d’une serviette de bain avec du café. Revenir aux produits naturels et à leurs origines nous permet de découvrir plein de chose. Nous ne savons généralement pas que le café est vert et qu’il devient brun lorsqu’il est torréfié !

Qu’est-ce qui vous inspire ?

Ce que j’aime le plus, c’est regarder autour de moi. Regarder me fascine! J’observe les motifs et les répétitions de quelque chose de petit pour l’agrandir : pour lui donner de la valeur car souvent ce qui est petit reste insignifiant… J’aime examiner ce qui a de la valeur et ce qui n’en a pas. Quand considérons-nous que quelque chose a de la valeur ?

Par exemple, lorsque vous trouvez des déchets dans la rue, ce sont des poubelles. Et lorsque vous les mettez dans un musée, c’est de l’art… Alors je vous pose la question : quelle valeur donnez-vous aux choses ?

Un bonbon que vous avez adoré manger en vacances, par exemple. Vous retrouvez le papier de ce bonbon des mois plus tard dans les poches de votre sac à dos. Vous n’allez probablement pas le jeter car vous lui accordez une valeur émotionnelle particulière qui vous renvoie au lieu, aux personnes et aux vacances. Et vous allez le garder en souvenir… 

« Lorsque je suis dans mon atelier, je porte toujours mes lunettes roses ! (façon de parler)

J’essaie de trouver ce que les autres ne voient pas »

Vous travaillez seule?

Comme je ne suis pas une experte en textile, j’aime collaborer avec d’autres personnes qui ont des techniques et qui connaissent les histoires qui se cachent derrière tous les matériaux. Mon travail consiste à les transformer de manière plus tangible.

Beaucoup de techniques sont traditionnellement fonctionnelles et beaucoup de projets fonctionnels existent déjà ; en ce qui me concerne, j’aime mettre l’accent sur la beauté du processus de fabrication.

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Crédit photo portrait : Pauline Walzak / photos de l’exposition : Rick Mandoeng.

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