Greta Desirée Facchinato est une artiste et designer italo-luxembourgeoise basée à La Haye, aux Pays-Bas. Collaboratrice de manière symbiotique avec la nature, cette chercheuse en biomatériaux crée aussi des encres biologiques pour la sérigraphie sur textile et notamment l’indigo naturel, l’encre de graines de bourdaine ou l’encre d’avocat. Elle nous explique son approche et ses motivations à ne faire qu’une avec la nature.
D’où venez-vous?
J’ai grandi dans une belle région d’Italie, entourée de collines. Ma famille et mon entourage m’ont appris à prendre soin de la nature depuis mon plus jeune âge. Je me souviens des longues promenades que je faisais avec mes grands-parents et mes parents. Mes grands-pères nous ont appris les merveilles de la nature en cueillant des baies et en faisant de la confiture ou en mangeant des tomates fraîches du jardin, encore recouvertes de terre. Ma mère ramassait des trésors, comme une pierre ou une pomme de pin, le long du chemin et nous les offrait, à moi ou à mon frère. Mon père, agronome et concepteur de jardins, partageait avec nous les noms des plantes que nous rencontrions en chemin. Mes deux grands-mères étaient couturières et je les ai vues tisser des histoires sur des corps depuis leur plus jeune âge.
Mon parcours est ancré dans la pluridisciplinarité à travers le croisement de différentes choses et l’investigation des rencontres, des gestes et des matériaux de la vie quotidienne. Quand j’étais petite, j’ai commencé à me consacrer à la danse, une forme d’expression qui m’invitait à une réflexion sur soi à travers le corps et notre expérience sensorielle. À dix-neuf ans, j’ai choisi de passer ma licence à l’Académie des beaux-arts de Venise, en me spécialisant dans le domaine de la sculpture. J’y ai rencontré des mentors qui m’ont aidée à explorer différentes techniques.
Au cours de ces années, j’ai également appris la valeur de la collaboration, par exemple en rencontrant la créatrice de mode Silvia Sandri, avec qui je continue à travailler aujourd’hui. Ensuite, j’ai déménagé aux Pays-Bas et j’ai poursuivi mon master en recherche artistique à la Koninklijke Academie van Beeldende Kunsten (KABK) Den Haag. J’ai obtenu mon diplôme en 2018 avec un projet intitulé FOAM : The Listening Body, une recherche sur le sens de l’écoute, combinant une publication avec une installation textile/sensorielle qui m’invitait, ainsi que le spectateur, à faire l’expérience de la matière à partir d’une conscience incarnée.
Pourquoi avez-vous choisi d’étudier les nouveaux matériaux et comment avez-vous créé votre studio ?
J’ai créé le Studio Greta Facchinato à Den Haag après avoir obtenu mon master. Le but était de continuer à explorer ma pratique et, au cours des deux dernières années, je me suis concentrée sur des projets créatifs dans le domaine du design pour les médias analogiques et numériques.
Mes recherches sur les biomatériaux ont commencé vers 2019/2020 avec Soft Shucks et Fleshquake – en collaboration avec Raquel Sánchez Gálvez. Ces projets sont nés d’un intérêt pour la recréation d’implants esthétiques avec des matériaux biodégradables obtenus à partir d’agar-agar (algues). En 2021, j’ai fait des recherches sur la fabrication d’encre organique et la sérigraphie avec le soutien de Grafische Werkplaats Den Haag et de Gemeente Den Haag. Depuis lors, je travaille avec la connaissance de la couleur et l’interconnexion avec notre environnement à travers la pratique de la fabrication d’encre durable pour les techniques d’impression.
« J’étudie les nouveaux matériaux pour les introduire dans ma pratique, une approche écologique et régénérative, où l’humain et le non-humain collaborent, où les plantes et les micro-organismes sont animés et inclus dans la conversation afin de partager un nouveau récit de conception. »
Pour vous, que signifient les couleurs ?
Pour moi, les couleurs sont synonymes de connexion à un écosystème, à un environnement qui est en nous et qui va au-delà. Elles sont synonymes de relations, de souvenirs, de culture, d’éducation écologique et de bien d’autres choses encore.
Depuis mon projet Color is Alive (2021) avec la fabrication d’encre organique pour la sérigraphie, mon idée de la couleur a complètement changé, passant de quelque chose d’abstrait et d’inanimé à de la matière vivante. Une couleur provenant d’une plante, du sol ou d’un micro-organisme nous invite à comprendre notre paysage et qui l’habite, au-delà des humains.
Qu’avez-vous découvert récemment qui pourrait être appliqué aux textiles et à la mode ?
Au cours des deux dernières années, j’ai appliqué la connaissance de la fabrication d’encres biosourcées (extraites de plantes et de micro-organismes) à la sérigraphie sur textile. Ce procédé nous permet d’imprimer des formes et des motifs spécifiques de manière durable, en évitant les produits chimiques agressifs et les colorants synthétiques qui finissent par être rejetés dans l’eau et le sol.
Les encres peuvent être appliquées pour une petite impression telle qu’un logo ou pour créer un motif sur un textile. Cette méthode d’impression inclut une relation holistique avec les plantes et les micro-organismes impliqués, où le producteur et le consommateur deviennent plus conscients.
Comment définiriez-vous votre approche professionnelle liée à la nature ?
Mon approche est celle de la réciprocité où la vie humaine et la vie plus qu’humaine ne sont pas considérées comme séparées, mais plutôt coexistent et trouvent des moyens de collaborer de manière symbiotique.
Quels sont vos projets ?
Actuellement, avec The Ink Project – Between Craft and Technology, soutenu par le Creative Industries Fund NL, j’étudie le croisement potentiel entre la tradition de fabrication de l’encre avec des matériaux organiques et son application à l’impression à jet d’encre. Des résultats intéressants pourraient conduire à des solutions écologiques dans le domaine de l’impression numérique pour le papier, les textiles et la mode.
J’ai hâte de partager ces connaissances et ces résultats dans une future exposition et de m’engager dans d’autres applications de l’encre biologique en travaillant avec des clients qui partagent la même attention à la circularité dans le domaine de la conception et de l’impression.
Photo Une : Greta Facchinato par Raquel Sánchez Gálvez.
Aller sur le site de Studio Greta Facchinato
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