Michela Puglia est une ingénieure en design axée sur la transformation de l’industrie de la chaussure grâce à la durabilité et à la réduction des déchets. Titulaire d’un Master en ingénierie de design de l’Imperial College de Londres, elle s’inspire de son parcours culturel diversifié et de ses expériences professionnelles pour nourrir sa créativité.
Dans cette interview, elle discute de son concept de chaussures innovantes, Angelis, et de son engagement à promouvoir une économie circulaire dans la mode. L’héritage multiculturel de Michela, d’origine italienne et brésilienne, ainsi que ses expériences en Angleterre, en Italie et en Allemagne, façonnent sa perspective de design unique.
Michela Puglia
Quel a été votre parcours éducatif et professionnel ?
J’ai étudié l’ingénierie du design à l’Imperial College de Londres, où j’ai complété un Master intégré de quatre ans, que j’obtiendrai à l’été 2024 avec un MEng (Master of Engineering). Pendant mes études, j’ai effectué un stage de six mois au siège d’Adidas en Allemagne, en tant que designer et ingénieur en chaussure. Ce rôle alliait conseil et recherche et développement, me permettant de collaborer étroitement avec les équipes produit dans les secteurs du football et de la course à pied. Mon objectif était de rationaliser et d’automatiser les processus de conception manuels, tout en recherchant des technologies émergentes comme l’impression 3D dans le textile.
Pour mon projet de fin d’études, je me suis associée à Arda Biomaterials, une startup dédiée à la transformation des déchets de protéines végétales en biomatériaux durables pour diverses industries, y compris la mode et l’automobile. Cette collaboration a conduit à la création d’Angelis ! Après l’obtention de mon diplôme, j’ai continué avec Arda en tant qu’ingénieure junior en design, où je suis impliquée dans le branding, la préparation d’échantillons pour les clients et le développement de pièces de présentation comme des portefeuilles. C’est une période passionnante pour moi, car je suis juste au début de mon parcours professionnel.
Que signifie la durabilité pour vous ?
La durabilité est une problématique multifacette qui exige une approche globale. Elle va au-delà de l’utilisation de matériaux durables ; il s’agit de considérer l’ensemble du cycle de vie d’un produit : sa création, son utilisation et son élimination.
« L’industrie de la mode, en particulier, fonctionne sur une économie linéaire axée sur les tendances et l’utilisation à court terme. Cela entraîne des pratiques non durables et cause des dommages environnementaux et des préoccupations éthiques, allant des méthodes de production aux conditions de travail, nuisant finalement à la fois à la planète et à ses habitants. »
Je crois que la transition vers une économie circulaire peut répondre à ces défis en concevant des produits pour la longévité, la réutilisation et le recyclage. Cependant, ce changement nécessitera une collaboration à travers toute la chaîne d’approvisionnement, des producteurs et des designers aux consommateurs et aux décideurs politiques. J’ai exploré ce sujet en profondeur durant mes études et coécrit un article publié dans Resources, Conservation & Recycling, qui discute de la manière dont la politique peut orienter l’industrie de la mode européenne vers une économie circulaire et introduit un outil pour les décideurs afin d’identifier les lacunes dans les réglementations existantes.
Vous avez développé Angelis, un concept de chaussure fabriqué à partir de déchets de whisky. Qu’est-ce qui a inspiré cette idée innovante ?
Angelis est née de mon projet de fin d’études. Après mon stage chez Adidas, je voulais appliquer mes connaissances de l’industrie à ma thèse. J’étais particulièrement découragée par les pratiques non durables dans le secteur de la chaussure, en particulier par la quantité significative de déchets non biodégradables et l’utilisation de matériaux toxiques. Dans ma recherche d’un partenaire collaboratif axé sur la durabilité, j’ai découvert Arda Biomaterials. Leur travail transformateur consistant à convertir les déchets des brasseries et des distilleries en biomatériaux m’a inspirée à me concentrer sur les sous-produits du whisky, explorant comment ils pourraient remplacer des composants dérivés du pétrole dans les chaussures.
Mes recherches ont révélé une lacune sur le marché : bien que des biomatériaux commerciaux émergent dans la chaussure, ils ne couvrent souvent que quelques composants, laissant le reste dépendant de matériaux non durables. De nombreux designs conceptuels d’étudiants et de designers indépendants étaient futuristes mais nécessitaient de nouvelles techniques de fabrication et un changement d’état d’esprit des consommateurs, rendant leur mise en œuvre difficile. Avec Angelis, je cherchais à combler cette lacune en créant une chaussure entièrement biomatériau qui pourrait être intégrée dans les méthodes de production existantes.
J’ai utilisé New Grain™, la première innovation d’Arda Biomaterials, un matériau semblable au cuir fabriqué à partir de protéines de grain résiduelles qui est à la fois exempt de plastique et d’origine animale. Pour les autres composants, j’ai développé des matériaux pour la semelle intérieure, la semelle extérieure et l’adhésif, souvent négligés dans la fabrication de chaussures. Mon intention était de créer une chaussure qui soit non seulement durable mais aussi attrayante pour les consommateurs, équilibrant considérations environnementales et praticité.
Pouvez-vous décrire votre processus de création ?
Le processus de création a été un parcours d’essais et d’erreurs ! Il y avait deux composants principaux : développer de nouveaux matériaux à partir de déchets de whisky et concevoir la chaussure elle-même. Les matériaux devaient répondre à des exigences spécifiques de fonctionnalité pour les composants de semelle intérieure et extérieure, ce qui a été une source d’apprentissage abrupte pour moi, compte tenu de mon parcours en ingénierie et de mon expérience limitée en chimie. Heureusement, l’équipe d’Arda Biomaterials a fourni un soutien inestimable tout au long du travail en laboratoire et du développement des matériaux. Le deuxième aspect impliquait de concevoir la chaussure. J’ai développé le patron supérieur, créé des moules pour la semelle intérieure et extérieure, et remodelé le dernier de la chaussure pour l’aligner avec ma vision de design. Enfin, j’ai utilisé la technique de la chaussure à planche pour construire la chaussure. Bien que j’aie acquis des connaissances sur le développement de chaussures durant mon temps chez Adidas, c’était ma première expérience pratique, rendant cela à la fois amusant et stimulant !
Avez-vous des projets à venir liés à l’industrie de la mode ?
Actuellement, je n’ai pas de projets spécifiques prévus car je prévois de faire une pause dans ma carrière pour voyager pendant quelques mois plus tard cette année. Après être passée directement au travail après l’obtention de mon diplôme, j’ai hâte d’explorer de nouveaux endroits et de me ressourcer. Cependant, lorsque je reviendrai en septembre, je chercherai activement de nouvelles opportunités dans les industries de la mode et de la chaussure.
Rédaction: Michela Puglia / Anne-Sophie Castro
Traduction de l’anglais : Anne-Sophie Castro
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