L’industrie de la mode, qui s’est engagée il y a plusieurs années à produire de façon plus responsable dans le respect de la nature et des Hommes, évolue favorablement. Les consomateurs tiennent de plus en plus compte de la durabilité et de la qualité des produits qu’ils achètent. De ce fait, une nouvelle étude menée par la chaire IFM (Institut Français de la Mode)-Première Vision, basée sur un panel de 5 000 répondants, offre une vision l’évolution de la mode durable. Cinq pays ont été interrogés : la France, le Royaume-Uni, l’Allemagne, l’Italie et les États-Unis.
Première Vision, l’un des principaux organisateurs d’événements pour l’industrie de la mode créative, s’engage à fournir des conseils et de l’éducation, notamment à travers son salon phare, Première Vision Paris, qui se déroule actuellement du 4 au 6 juillet 2023 au Parc des Expositions de Paris Nord Villepinte. Lors de ces rencontres professionnelles internationales, il réunit tous les acteurs pour favoriser la réflexion et promouvoir de nouvelles façons d’envisager la mode.
L’étude IFM-Première Vision, réalisée pour la première fois en 2019, nous renseigne sur les dynamiques à l’œuvre en matière d’éco-responsabilité et de nouvelles évolutions, permettant de guider l’ensemble de la filière dans la compréhension de ce nouveau paysage.
Une révolution éco-responsable auprès du grand public
Tout d’abord, la mode semble avoir entamé sa révolution éco-responsable auprès du grand public. Perçue jusqu’à récemment comme l’une des industries les plus polluantes, sa transformation est devenue plus visible pour les consommateurs. Les indicateurs le confirment : la stratégie initiée depuis des années par les grandes maisons de luxe, puis suivie par l’ensemble de l’industrie, est de plus en plus observée et comprise.
” Les efforts des marques, notamment en matière d’information et de transparence, sont remarqués “
Gildas Minvielle, directeur de l’Observatoire économique de l’IFM.
Cette tendance se manifeste de plusieurs manières concrètes. En réponse à la question “L’industrie de la mode est-elle plus ou moins respectueuse des critères environnementaux que d’autres secteurs ?” 64,3 pour cent des Français interrogés répondent qu’elle est aussi respectueuse ou plus respectueuse. C’est six points de plus qu’il y a trois ans, lorsque le côté glamour de la mode semblait en contradiction avec les préoccupations environnementales des consommateurs. Cette évolution s’observe également en Allemagne (67,8 pour cent, soit une augmentation de 8 points) et atteint ses niveaux les plus élevés en Italie et aux États-Unis, où respectivement 74,7 pour cent et 81,5 pour cent des personnes interrogées considèrent que la mode est aussi ou plus respectueuse de l’environnement que d’autres secteurs d’activité.
Qu’en est-il de leurs achats ? Dans un contexte économique difficile – les ventes d’habillement et de textile n’ont toujours pas retrouvé leur niveau de 2019 – le budget alloué à la mode éco-responsable est en hausse. Il est passé de 136,5 à 148,6 euros par personne et par an en France et a même bondi en Allemagne (de 148 à 212 euros) et aux États-Unis (de 171 à 230 dollars).
Cependant, les vêtements “verts” ont encore un long chemin à parcourir avant de faire partie de nos habitudes d’achat au même titre que d’autres types de produits. Ainsi, alors que 68 pour cent des femmes (les hommes suivant la même tendance) ont acheté de la nourriture bio et 63 pour cent des cosmétiques bio au cours de l’année écoulée, seuls 44,9 pour cent des Français déclarent avoir choisi des vêtements éco-responsables. C’est plus qu’au Royaume-Uni (42 pour cent) mais moins qu’en Italie (54,4 pour cent).
L’écologie et la beauté vont de pair
Des facteurs sous-jacents peuvent expliquer l’essor de la mode durable, à commencer par une sensibilisation accrue aux questions environnementales. Mais le style compte aussi. Et l’on constate une évolution dans l’esprit des consommateurs : la mode éco-responsable est désormais perçue comme compatible avec les tendances et l’élégance.
Ainsi, la dichotomie “vert contre beau”, qui a longtemps prévalu, semble être derrière nous. Dans les cinq pays étudiés, neuf personnes sur dix considèrent les produits durables comme étant à la mode, soit une hausse de huit points en France et de 13 points en Allemagne depuis 2019. “Ce sont des résultats remarquables“, a déclaré Gildas Minvielle “Nous sommes désormais très proches du consensus.” Le changement initié par quelques marques de luxe il y a plusieurs années est en train de faire son chemin.
Il y a encore trois ans, le manque d’information était cité comme le principal obstacle à l’achat de vêtements éco-responsables. Parmi les non-acheteurs, plus d’un Français sur deux (50,4 pour cent) déclarait ne pas acheter de vêtements éco-responsables parce qu’il ne s’y connaissait pas suffisamment. En 2022, le niveau d’information des Français a fortement progressé et ce chiffre est tombé à 33 pour cent.
Une meilleure information auprès des consommateurs
Le nombre de consommateurs s’estimant bien informés a même doublé dans certains pays, passant de 18 pour cent à 36 pour cent en Allemagne et de 32 pour cent à 57 pour cent aux États-Unis.
En plus d’être mieux informés, les consommateurs sont également plus susceptibles de savoir où trouver ces produits dans leurs magasins locaux. C’est la preuve que le secteur est en train de franchir un cap en termes de transparence et qu’il a atteint un niveau de maturité plus élevé sur ces questions.
Parmi les canaux d’information privilégiés par les clients, deux sources se distinguent. La première est l’étiquette du vêtement elle-même, qui est de loin le canal d’information le plus populaire dans tous les pays étudiés : plus de 70 pour cent en France et entre 60 et 70 pour cent dans tous les autres marchés. Elle est suivie par l’information donnée directement au point de vente. Les autres sources d’information, telles que le site Internet de la marque, les médias ou les réseaux sociaux, sont loin derrière.
Durabilité, réparabilité et seconde main
En 2022, les consommateurs accordent une grande importance aux matériaux. Ils recherchent des matériaux qui peuvent être considérés comme éco-responsables (naturels ou non), des matériaux recyclés et une fabrication de qualité, sans produits toxiques.
L’importance des matériaux est renforcée par trois dynamiques puissantes. Tout d’abord, la durabilité : acheter moins souvent et garder les articles plus longtemps. La recherche de vêtements qui durent est de plus en plus importante. Par conséquent, une plus grande attention est accordée aux matériaux qui les composent et à leur qualité, qui a un impact direct sur la durabilité d’un produit. Cette recherche de durabilité rejoint la recherche de responsabilité, qui reste très liée aux matières dans l’esprit du public (en France, 37,7 pour cent des personnes interrogées citent les matières comme premier critère d’éco-responsabilité).
Deuxième point: la réparabilité, un phénomène étonnamment répandu. L’idée de réparer ou de faire réparer ses vêtements se répand rapidement. En 2022, pas moins de 64,2 pour cent des Français interrogés déclaraient avoir réparé au moins un vêtement. Le chiffre est encore plus spectaculaire en Italie, où il atteint 82,4 pour cent. Proposée par certaines marques et même de nouvelles entreprises dédiées à ce service, la tendance à la réparabilité n’a rien d’anecdotique. L’habillement rejoint d’autres secteurs où cette tendance s’observe (mobilier, électroménager, décoration, etc.).
Enfin le marché de la seconde main : le marché mondial de l’occasion est en plein essor et ne cesse de croître. Environ une femme sur deux et un homme sur trois ont acheté un article d’occasion l’année dernière, un taux qui continue d’augmenter. S’ils étaient autrefois populaires parce qu’ils étaient moins chers, les articles de seconde main sont désormais choisis pour d’autres raisons. Bien que toujours en tête, le prix est moins souvent cité comme motif d’achat (68,6 pour cent des Français, contre 74,8 pour cent trois ans plus tôt), tandis que le caractère écologique de l’occasion gagne du terrain (48 pour cent des Français, contre 43 pour cent). Comme pour la durabilité et la réparabilité, l’explosion du secteur de l’occasion exige des vêtements de bonne qualité, capables de vivre plusieurs vies.
L’importance du “Made in” lors des achats
La perception de la responsabilité environnementale reste fortement liée à la proximité géographique des sites de production. Pour être considéré comme durable, un vêtement doit être fabriqué près de chez soi pour une écrasante majorité de Français (82,3 pour cent), pour 79 pour cent des personnes interrogées en Italie et pour 85 pour cent des Américains. “La définition du “fabriqué localement” s’est élargie à nos voisins européens”, explique Gildas Minvielle.
Aux États-Unis, ce mouvement “régionaliste” observé en Europe n’est pas du tout visible, alors que le “localisme” atteint des niveaux records. Alors que 53 pour cent des consommateurs estimaient qu’un produit fabriqué par leurs voisins d’Amérique centrale pouvait être considéré comme responsable, ils ne sont plus que 28 pour cent à le penser aujourd’hui.
Un besoin d’information fiable
Les consommateurs veulent continuer sur leur lancée : ils demandent des informations claires et fiables sur la façon dont leurs vêtements sont fabriqués. En effet, si la proportion de consommateurs s’estimant suffisamment informés a doublé ces dernières années, elle ne représente encore qu’un tiers de l’échantillon. Pourtant, six Français sur dix déclarent qu’une meilleure information les inciterait à acheter des produits plus durables.
Les évolutions réglementaires, qu’elles soient nationales, européennes ou américaines, sont donc attendues par les consommateurs et les marques. Les labels de certification ont un rôle clé à jouer pour les guider. Mais leur nombre – il existe aujourd’hui plus de 400 labels éco-responsables – les rend difficilement compréhensibles. Sur les 12 labels sélectionnés et présentés aux personnes interrogées, la connaissance est sans surprise très hétérogène. En France, seul le label écologique européen se distingue avec 74 pour cent de notoriété. Les autres sont difficilement reconnus.
“A Better Way”, le nouveau programme de Première Vision
Pour aider la filière à s’adapter à ces nouveaux enjeux, Première Vision lance “‘A better way’ : the sustainable programme for more transparent sourcing”, une solution qui analyse les initiatives des exposants et valorise leurs efforts auprès des acheteurs et des visiteurs. Un pictogramme spécifique garantit des engagements vérifiés dans cinq domaines : initiatives sociales, impact du site de production, traçabilité, composition du produit, durabilité et fin de vie. 290 fabricants sont d’ores et déjà éligibles à “a better way”, conçu pour simplifier et guider un marché qui en a besoin.
“La sensibilisation croissante du public à la responsabilité environnementale est indéniable. Alors que le climat économique difficile actuel semblait menacer la croissance du marché de la mode éco-responsable, celui-ci résiste étonnamment bien”, indique Première Vision. Le changement de cap impulsé par les marques a en effet porté ses fruits. L’image de l’industrie de la mode a changé et les années à venir s’annoncent prometteuses pour les marques qui sauront éduquer, rassurer et accompagner leurs clients dans le choix de produits durables et bien faits.
Photos : Première Vision
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