Skip to main content

Entre rivières, mers et océans, notre planète est composée à 70 pour cent d’eau. Il en est de même pour le corps humain. Si de nombreuses marques et créateurs de mode rendent hommage aux océans, pourquoi ne pas en faire de même pour la pluie? L’artiste néerlandaise, Aliki van der Kruijs, a mis au point une façon de s’exprimer par le textile en imprimant la pluie (la vraie) sur ses tissus. Formée en graphisme et design de mode, elle a fait ses armes chez G-Star Raw en tant que développeuse de matériaux et de concepts, avant de suivre un master à l’Institut Sandberg à Amsterdam et de lancer son label : Made by Rain.

Qu’est-ce que Made by Rain?

Made by Rain est un projet innovant dans lequel les précipitations sont enregistrées sur du textile. Je voulais savoir s’il était possible de porter le temps ! Je me suis rendue compte qu’on pouvait cartographier la météo autrement qu’avec des données, des graphiques ou des photographies. J’ai donc cherché un moyen de capturer la vraie pluie, ses gouttes d’eau, au lieu d’en faire une simple représentation.

Pour cela j’ai développé ma propre technique appelée pluviographie. A l’aide d’un pelliculage sensible à l’eau, il devient possible de réaliser un enregistrement visuel des précipitations sur une pièce textile filmée. Qu’il s’agisse d’une bruine douce ou d’une averse tropicale, le type de pluie crée une impression unique.

Chaque textile Made by Rain est accompagné d’une annotation faite à la main, du lieu, de la date, de l’heure et l’intervalle de temps, des millimètres de pluie et des circonstances météorologiques dans lesquelles la pluviographie a été effectuée. De cette façon, les textiles forment une collection de données météorologiques : des enregistrements visuels d’un jour spécifique de l’histoire. Cela fait des textiles un « document ». Après presque dix ans de Made by Rain, je collecte toujours la pluie, et j’aimerais d’ici quelques années compiler un atlas de pluie.

L’idée de créer Made by Rain m’est venue de mon grand-père. Il avait une collection de 12 calendriers annuels dans lesquels il notait chaque jour les conditions météorologiques. Il a fait un travail très poétique et cohérent, et ses observations du temps se sont accompagnées de quelques anecdotes personnelles. J’ai donc cherché un moyen de travailler en accord avec l’héritage de mon grand-père.

Y a-t’il une certaine approche holistique dans cette innovation?

Les textiles sont en effet un moyen de donner un aperçu de la beauté de la pluie. En néerlandais, il y a le mot “draagbaar” qui signifie portable et supportable. C’est ainsi que je me suis posée la question : est-il possible de porter la météo ? Aux Pays-Bas, il pleut beaucoup, les gens se plaignent souvent du temps. Je voulais montrer la beauté de la pluie et célébrer cet élément essentiel à la vie.

Je pense que les gens ont une compréhension et une expérience des différents types de pluie. De par la taille de leurs gouttes, notamment. Un jour, une femme m’a dit, après avoir vu les imprimés, qu’elle pouvait vraiment imaginer et entendre la pluie tomber sur le tissu. De plus, les textiles rappellent des souvenirs aux gens et c’est un bon outil pour démarrer une conversation : « parler de la pluie et du beau temps » !

Parce que la pluie est une expérience tellement universelle (pour une grande partie du monde). Ses empreintes connectent avec beaucoup de gens. Je suis à chaque fois étonnée de voir quel genre de pluie attire quel genre de personne. C’est comme un langage, une réaction très personnelle et instinctive sur les textiles dont je suis témoin.

Tous les textiles sont uniques suivant les conditions météorologiques. Ils documentent un moment bien précis. Je capte de minuscules parties des précipitations qui enrichissent le sol, rafraîchissent les nuits d’été ou même provoquent des inondations. Les conditions météorologiques sont en train de changer considérablement. Déjà au cours des dix dernières années, j’ai été témoin de précipitations plus intenses que lorsque j’ai commencé le projet.

Toute l’eau est connectée, elle change simplement de forme. Elle est solide, vapeur et liquide. Imaginez que les précipitations que je capture étaient, avant de s’accumuler dans un nuage, comprimées dans une formation de glace ou dans une rivière…

Pourriez-vous décrire les étapes du processus?

Le processus de Made by Rain travaille avec un textile spécialement préparé qui a un revêtement d’encre sensible à l’eau. Quand il pleut, je sors avec les textiles sur le toit de mon atelier et « attrape » les gouttes de pluie. C’est donc l’étape la plus importante du processus. J’essaye de faire des poses d’une minute afin d’avoir les données que je reçois d’un météorologue, mais souvent une minute c’est trop de pluie pour que le textile ait une belle empreinte.

Vos tissus sont-ils commercialisés dans l’industrie de la mode?

Certaines des impressions sont appliquées dans des collaborations. Nike a déjà acheté un imprimé et ZigZagZurich en a choisi un autre pour sa collection de literie. J’ai également collaboré avec la créatrice de mode néerlandaise Elsien Gringhuis.

Quels sont vos projets pour cette année?

Je travaille actuellement sur un uniforme qui fera partie de la Waterschool, une école conçue autour de l’eau comme matériel essentiel, sujet et phénomène social et politique. Il sera également présenté à l’Exposition Universelle.

https://madebyrain.com

Aller au contenu principal