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Thao Phuong est vietnamienne. Elle a grandi entourée de tissus, sa mère étant couturière. Après s’être passionnée pour le design de mode, elle a lancé il y a deux ans TextileSeekers: une agence qui organise des retraites originales, mettant l’accent sur les pratiques textiles indigènes. Nous l’avons rencontrée.

Bonjour, Thao! Pouvez-vous vous présenter en quelques mots?

Je suis née au Vietnam et c’est tout naturellement que ce pays est devenu la première destination pour TextileSeekers. J’ai grandi à Melbourne, en Australie, et j’ai vécu dans plus de sept villes, actuellement je réside à Barcelone depuis 2015. 

Je me décrirais comme quelqu’un qui aime rêver et créer. Qu’il s’agisse de mode, de peinture, de céramique ou simplement de parcourir les marchés d’antiquités et de collectionner les textiles de mes voyages. J’aime m’asseoir, et être immobile et tranquille. Je suis naturellement une personne discrète, ceux qui me connaissent diraient probablement qu’ils ne pourraient pas trouver une seule photo de moi sur Internet ou sur les réseaux sociaux ! 

“Mon désir est de profiter de la vie et de ce qu’elle a à m’offrir. D’être reconnaissante pour les opportunités de rencontrer de nouvelles personnes, de m’embarquer dans de nouvelles aventures, et d’apprendre à connaître de nouveaux pays et de nouvelles cultures.”

Thao Phoung, fondatrice de TextileSeekers.

Comment êtes-vous entrée dans la mode?

J’ai grandi entourée de textiles puisque ma mère est couturière. Je me suis orientée dans cette voie, ce dont je suis très reconnaissante, car elle m’a permis de voyager et de vivre dans de nombreuses villes du monde. 

Je suis retournée au Vietnam à l’âge adulte, avec ma formation en stylisme, et j’ai pu constater les effets dévastateurs de l’industrie de la fast-fashion, ainsi que le fait que de nombreuses traditions se perdent

“Des membres des tribus que j’ai rencontrées ont l’impression de n’avoir d’autre choix que de chercher du travail ailleurs ce qui, comme je l’ai dit, les rend vulnérables au trafic d’êtres humains et fait qu’ils finissent souvent dans des usines.”

Une ouvrière sur un métier à tisser.

Vous avez créé TextileSeekers: comment cela fonctionne-t’il?

TextileSeekers organise des expériences qui mettent l’accent sur les pratiques textiles indigènes tout en soulignant la valeur de la provenance des fibres.

Pour moi, c’est l’union d’un collectif, qui se soude autour de valeurs communes et qui établit des liens plus profonds avec les communautés locales que nous visitons. Ainsi, nous contribuons à la survie des connaissances ancestrales pour les générations futures. Mon objectif est simplement de partager un voyage pour découvrir les tribus indigènes à l’origine de la création textile durable, mais aussi qui ouvre un dialogue de découverte de soi, en plantant les graines de nos propres aspirations créatives.

Une femme d’une tribu indigène au Vietnam.

Qui peut participer?

Les voyageurs et les curieux en quête d’expériences uniques. Il n’y a jamais deux retraites identiques. Je m’occupe personnellement des retraites et je me mets en relation avec chaque voyageur au préalable. Les itinéraires ne sont pas seulement multiformes, c’est aussi la synergie des voyageurs qui s’y joignent, c’est ce qui rend ma retraite aussi spéciale.

Nous établissons des liens avec les artisans et ils deviennent membres de notre équipe, en leur offrant le temps et l’espace nécessaires pour mettre en valeur leurs compétences dans le cadre de nos ateliers. Les voyageurs sont ensuite en mesure de rentrer chez eux, dotés des connaissances et de la compassion nécessaires pour faire des choix plus réfléchis dans leur vie quotidienne.

Une rizière au Vietnam.

Quelles sortes de fibres ou tissus naturels peut-on trouver dans la région?

Le Vietnam est composé de 54 tribus ethniques. Il possède une microculture diversifiée, parsemée dans un paysage unique. Les pratiques textiles des tribus vietnamiennes constituent un trésor de connaissances qui peuvent être exploitées, ainsi que des idées qui peuvent inspirer les designers et les fabricants de textiles.

Chaque tribu est connue pour être associée à une couleur unique ou pour intégrer un motif spécifique à ses vêtements. La tribu des Dao rouges se distingue par ses costumes d’un rouge éclatant, ornés de motifs brodés complexes, de pièces de monnaie et de glands. La tribu H’mong fleurs est connue pour sa fusion de belles couleurs et de motifs à franges. La tribu H’mong bleue est réputée pour ses vêtements bleu indigo teintés à partir de plantes indigo naturelles, de chanvre et de coton. La tribu des Thais est experte dans la culture de la soie et la teinture naturelle des plantes. Ces caractéristiques font partie de l’identité de chacun des membres de la tribu, mais pour le monde extérieur, les couleurs, les textures et les motifs sont rafraîchissants et inspirants.

Vous qui en êtes originaires et y passez du temps en retraites, que se passe-t’il avec les femmes de ces tribus?

En 2018, j’ai été invitée dans une “Maison de Compassion” à Lào Cai, au Vietnam, qui soutient les survivantes de la traite des êtres humains – des jeunes filles attirées par la criminalité dans l’espoir d’obtenir un emploi mieux rémunéré. Alors que les générations précédentes s’appuyaient sur l’artisanat comme moyen de revenu, les jeunes n’avaient plus envie de faire perdurer cet héritage, car il est laborieux et offre peu de retour financier. 

Cette prise de conscience m’a convaincue qu’il était essentiel de préserver l’artisanat traditionnel. Je savais que je ne pouvais pas retourner à mon travail de tous les jours, et que quelque chose en moi était transformé. C’est ainsi que TextileSeekers a réellement commencé.

Comment peut-on faire perdurer l’héritage de cet artisanat?

Le Vietnam est le troisième exportateur mondial de textiles et cette industrie représente 15 pour cent du PIB. En plein changement climatique, où les populations du monde entier subissent déjà les effets du réchauffement de la planète, le moment est venu pour chacun d’agir de manière responsable. Il est essentiel que les consommateurs ralentissent, exigent des réponses et soient conscients.  

La durabilité se traduit par la préservation des traditions ethniques. Les marques internationales peuvent soutenir les tribus en leur offrant une plateforme pour présenter leur mode et leurs techniques textiles traditionnelles. Grâce à des moyens de soutien directs et indirects, les communautés ethniques seront alors en mesure d’améliorer leur vie, tout en étant convaincues de la valeur de leur artisanat.   

Le tourisme peut également contribuer à la préservation des traditions textiles. Les voyages responsables et durables n’ouvrent pas seulement les yeux des visiteurs sur la situation des communautés ethniques, ils donnent aussi aux voyageurs l’occasion d’explorer une forme d’art durable consistant à produire des vêtements entièrement à la main, du fil au tissu.  

Les techniques requises pour produire ces vêtements sont des connaissances ancestrales qui ont été transmises de génération en génération. Il n’existe pratiquement aucune information écrite sur ces compétences. Tout est enseigné en montrant, racontant, apprenant, faisant et corrigeant, et il faut des décennies pour maîtriser chaque technique. Mon objectif est de préserver à terme ces traditions textiles.

Quels sont vos projets pour 2023?

Dès le début, la vision de TextileSeekers a toujours été en constante évolution. Nous souhaitons aller bien au-delà du Vietnam et, à l’heure actuelle, l’idée d’explorer de nouvelles destinations est bien présente. En 2023, nous lancerons un nouveau site web et nous envisagerons également de nouvelles collaborations avec des marques du secteur de la décoration intérieure. À terme, j’aimerais remplir les bureaux de TextileSeekers (à Barcelone) d’une vaste sélection de produits artisanaux.

Je travaille sur une retraite de collaboration, qui sera une extension de TextileSeekers. J’introduirai des amis et des artisans sur la plateforme et je proposerai des retraites uniques sur mesure pour explorer leur patrimoine culturel. Je suis actuellement en train de mettre au point une retraite à Guadalajara, au Mexique.

Pour plus d’informations concernant les prochaines retraites du 16 avril, 15 mai et 11 juin 2023:

https://www.textileseekers.com

Photos : TextileSeekers / Anouk Nitsche (portraits de Thao Phuong) / Thea Lovstad (les autres photos).

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